Les conséquences et les bonnes surprises de la décision « Non, mais » du Conseil d’État
L’arrêt « Utilisation du baclofène » du Conseil d’Etat du 23 mai a apporté des réponses et solutions assez sages aux questions que nous avons soulevées, malheureusement sans pouvoir légalement examiner la validité de l’étude CNAMTS-ANSM-INSERM (pouvoirs de contrôle limités).
Cet arrêt a été pris en 1ère et 4ème chambres réunies, ce qui signifie qu’une importance particulière a été portée à l’affaire et aux conséquences qui allaient être tirées de la décision et du communiqué du Conseil d’Etat. Les arrêts et décisions des cours « suprêmes » sont toujours rédigées au mot près, à la virgule près, en parfaite prévision des déductions juridiques qui vont en être faites. Les silences et absences de réponses sont également à interpréter, raison pour laquelle il faut avoir connaissance du contexte et des arguments qui étaient avancés par les parties pour pouvoir faire une interprétation complète des décisions. Le Conseil d’Etat accompagne parfois ses arrêts de communiqués, lorsqu’il juge que la situation exige pédagogie et une publicité particulièrement large et compréhensible par tous et / ou lorsqu’il juge que cette communication peut réparer des erreurs de l’Administration. C’est ce qu’il a fait ici, afin d’apaiser la situation et permettre un retour à l’accès aux soins pour les patients.
Ce communiqué et la décision ont désormais force de loi et peuvent être opposés à l’administration.
Voilà en détail les éléments à retenir et les conséquences juridiques à en tirer immédiatement et prévisibles à moyen terme.
1 / Les médecins peuvent continuer à prescrire, quelle que soit la dose, même haute et supérieure à 80 mg par jour.
Nous avons demandé en vain à l’ANSM de le faire savoir publiquement et par écrit aux professionnels de santé, puisque jusqu’alors seule une lettre alarmiste leur avait été adressée le 24 juillet 2017 et avait eu des conséquences dramatiques (arrêt des prescriptions et des délivrances, provoquant des difficultés et des interruptions de traitement, parfois même des rechutes).
Le Conseil d’État l’a fait pour lui (mais sur ce point ce n’est pas fini).
En milieu hospitalier public (addictologie, psychiatrie), lorsque les autres traitements ont échoué, le baclofène pourra être demandé sans que l’hôpital ne puisse le refuser (mais en dernière intention).
2 / Les pharmaciens doivent continuer à délivrer toutes les ordonnances quelle que soit la dose prescrite (= même haute).
3 / Le fait qu’une ordonnance soit prescrite hors RTU ou hors AMM à dose haute ne peut à lui seul être un motif de refus par le pharmacien, il doit obligatoirement se mettre en relation avec le médecin qui assure la prescription avant de refuser de délivrer, et devra disposer d’arguments médicaux personnels précis concernant le patient pour refuser la délivrance.
4 / Les personnes sous RTU peuvent continuer de recevoir une dose haute de baclofène si leur stabilisation en dépend, sans obligation d’abaisser la dose dans le temps à un rythme précis (le flou bénéficie au patient).
5 / Le Conseil d’Etat a reconnu que toutes les études que nous avons versées, non seulement BACLOVILLE comme il l’explicite mais également BACLAD, OBADE-ANGH et PINOT et al. (« des études ») démontrent toutes l’efficacité du baclofène à haute dose. Il ne faut pas négliger la portée de cette confirmation : c’est un point crucial puisque l’agence soutenait qu’aucune étude ne démontrait l’efficacité du baclofène. L’existence et la validité scientifique de ces études sont désormais gravées dans le marbre médico-légal : ils ne peuvent / pourront plus être niés ni par l’agence du médicament ni par aucune autre administration : Ministère de la Santé, HAS (etc.). Or, si l’ANSM a un champ de compétence sur les RTU et AMM, en ce qui concerne le remboursement ce sont le Ministère et la HAS qui ont compétence.
Le Conseil d’État consacre également les « autres informations », entendre par là les très nombreuses attestations des professionnels de santé et témoignages des patients et proches que nous avons collectés ( « autres informations »). Ces documents couvrent l’expérience de plus de 5100 patients. L’ANSM devra obligatoirement en tenir compte dans son examen de l’a demande dAMM.
6 / Nous avons néanmoins quelques déceptions. Nous avons demandé au Conseil d’Etat de se prononcer sur la légalité de la décision de l’ANSM. Nos arguments n’ont pas été sur ce point entendus et la décision est considérée comme valide sur le plan du droit administratif.
Le Conseil d’État n’a pas la possibilité, quant il s’agit d’actes discrétionnaires de l’Administration (et la décision de l’agence sur la base de l’article R en est une) d’aller en détail examiner les motifs de la décision.
Il n’a donc pu remettre en question la validité de l’étude CNAMTS-ANSM-INSERM et la confrontation à tous les éléments de contradiction q nous avions versés et provenant d’experts du baclofène ou d’experts de l’épidémiologie.
Nous avons cependant d’autres pistes pour remettre en cause cette étude. Elles seront explorées prochainement.
7 / Les retombées sont positives : la presse médicale relaie correctement le message et le communiqué du Conseil d’État a contribué à faire rentrer dans l’ordre une partie des problèmes d’approvisionnement
https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2018/05/23/le-conseil-detat-valide-la-limitation-des-doses-de-baclofene-par-lansm_858129
Pour éviter tout difficulté, nous vous conseillons de vous munir du communiqué du Conseil d’Etat joint, et de le présenter au médecin ou au pharmacien en cas de refus.