L’avis favorable de la commission mixte ad hoc

A la suite de nos auditions (1), la commission mixte ad hoc qui nous a entendus mardi 3 juillet vient de rendre un avis favorable à l’utilisation du baclofène chez les patients alcoolo‐dépendants (avis disponible ici ).

La Commission propose que l’utilisation du baclofène puisse se poursuivre sans plafond en ajoutant certaines précautions :
‐ au-delà de la posologie de 80 mg, le prescripteur devra proposer au patient une évaluation et une prise en charge pluridisciplinaire spécialisée en addictologie (le patient sera libre de ne pas accepter);
‐ la prescription de baclofène doit être associée à une prise en charge psychothérapeutique et/ou psychocorporelle et/ou sociale, systématique ;
‐ en cas de troubles psychiatriques associés, quelle que soit la posologie, il deviendra nécessaire d’orienter le patient pour avis ou suivi vers un médecin psychiatre ;
‐ la pertinence de la posologie devra être réévaluée régulièrement ;
‐ la prescription de baclofène devra être accompagnée d’un livret de suivi et de promotion du bon usage du baclofène.

Nous considérons que cette commission a pris pleinement conscience de la réalité de la situation, et a proposé une solution équitable et bénéfique à tous.

Elle a également reçu et tenu compte de tous les documents, témoignages, attestations, expertises et études récentes que nous avons versées et qui ne figuraient pas dans le dossier initial (notre intervention ici).

Nous le devons à notre travail conjoint et acharné avec Marion GAUD, Bernard JOUSSAUME et Alexandra MIRAMAMON pour l’association AUBES, Renaud de BEAUREPAIRE, Jean-Claude AMEISEN, Didier SICARD, les supports pédagogiques de l’association BACLOFENE, Bernard GRANGER et Nicolas BALLON pour le CNPP,  Georges BROUSSE pour l’AFPBN, Philippe JAURY et  Jean-François AUBERTIN pour le RESAB, Aram KAVCIYAN et Xavier AKNINE pour la Fédération Addiction (2), Benjamin ROLLAND pour la FFA, Maurice DEMATTEIS pour la SFA, Christophe BUREAU et Alexandre LOUVET pour l’AFEF.

La situation avant l’audition semblait pourtant désespérée : la CSST venait de rendre public son rapport défavorable, et l’avis de la commission mixte devait logiquement lui emboîter le pas.

Si nous pouvons nous réjouir d’avoir pu, presque tous ensemble et contre de bien mauvais vents,  inverser la vapeur,  il reste encore beaucoup de chemin à sécuriser pour s’assurer d’une part, que le directeur de l’agence suive cet avis raisonnable, d’autre part pour qu’il le suive à la lettre. En effet, il est primordial de laisser au patient le choix entre la prescription en ville et la prescription spécialisée en addictologie.

Ce sont les prochains combats.

 

(1) https://youtu.be/fW2qM1qbtyE et https://youtu.be/AHZ8AFz8y7I

(1) https://www.federationaddiction.fr/communique-commission-baclofene-a-lansm-un-pas-en-arriere-deux-pas-en-avant/

CONSEIL D’ETAT – Décryptage des 50 nuances d’utilisation du baclofène

Les conséquences et les bonnes surprises de la décision « Non, mais » du Conseil d’État

L’arrêt « Utilisation du baclofène » du Conseil d’Etat du 23 mai a apporté des réponses et solutions assez sages aux questions que nous avons soulevées, malheureusement sans pouvoir légalement examiner la validité de l’étude CNAMTS-ANSM-INSERM (pouvoirs de contrôle limités).

Cet arrêt a été pris en 1ère et 4ème chambres réunies, ce qui signifie qu’une importance particulière a été portée à l’affaire et aux conséquences qui allaient être tirées de la décision et du communiqué du Conseil d’Etat. Les arrêts et décisions des cours  « suprêmes »  sont toujours rédigées au mot près, à la virgule près, en parfaite prévision des déductions juridiques qui vont en être faites. Les silences et absences de réponses sont également à interpréter, raison pour laquelle il faut avoir connaissance du contexte et des arguments qui étaient avancés par les parties pour pouvoir faire une interprétation complète des décisions. Le Conseil d’Etat accompagne parfois ses arrêts de communiqués, lorsqu’il juge que la situation exige pédagogie et  une publicité particulièrement  large et compréhensible par tous et / ou lorsqu’il juge que cette communication peut réparer des erreurs de l’Administration. C’est ce qu’il a fait ici, afin d’apaiser la situation et permettre un retour à l’accès aux soins pour les patients.

Ce communiqué et la décision ont désormais force de loi et peuvent être opposés à l’administration.

Voilà en détail les éléments à retenir et les conséquences juridiques à en tirer immédiatement et prévisibles à moyen terme.

1 / Les médecins peuvent continuer à prescrire, quelle que soit la dose, même haute et supérieure à 80 mg par jour.

Nous avons demandé en vain à l’ANSM de le faire savoir publiquement et par écrit aux professionnels de santé, puisque jusqu’alors seule une lettre alarmiste leur avait été adressée le 24 juillet 2017 et avait eu des conséquences dramatiques (arrêt des prescriptions et des délivrances, provoquant des difficultés et des interruptions de traitement, parfois même des rechutes).

Le Conseil d’État l’a fait pour lui (mais sur ce point ce n’est pas fini).

En milieu hospitalier public (addictologie, psychiatrie), lorsque les autres traitements ont échoué, le baclofène pourra être demandé sans que l’hôpital ne puisse le refuser (mais en dernière intention).

2 / Les pharmaciens doivent continuer à délivrer toutes les ordonnances quelle que soit la dose prescrite (= même haute).

3 / Le fait qu’une ordonnance soit prescrite hors RTU ou hors AMM à dose haute ne peut à lui seul être un motif de refus par le pharmacien, il doit obligatoirement se mettre en relation avec le médecin qui assure la prescription avant de refuser de délivrer, et devra disposer d’arguments médicaux personnels précis concernant le patient pour refuser la délivrance.

4 / Les personnes sous RTU peuvent continuer de recevoir une dose haute de baclofène si leur stabilisation en dépend, sans obligation d’abaisser la dose dans le temps à un rythme précis (le flou bénéficie au patient).

5 / Le Conseil d’Etat a reconnu que toutes les études que nous avons versées, non seulement BACLOVILLE comme il l’explicite mais également BACLAD, OBADE-ANGH et PINOT et al. (« des études ») démontrent toutes l’efficacité du baclofène à haute dose. Il ne faut pas négliger la portée de cette confirmation : c’est un point crucial puisque l’agence soutenait qu’aucune étude ne démontrait l’efficacité du baclofène. L’existence et la validité scientifique de ces études sont désormais gravées dans le marbre médico-légal : ils ne peuvent / pourront plus être niés ni par l’agence du médicament ni par aucune autre administration : Ministère de la Santé, HAS (etc.). Or, si l’ANSM a un champ de compétence sur les RTU et AMM, en ce qui concerne le remboursement ce sont le Ministère et la HAS qui ont compétence.

Le Conseil d’État consacre également les « autres informations », entendre par là les très nombreuses attestations des professionnels de santé et témoignages des patients et proches que nous avons collectés ( « autres informations »). Ces documents couvrent l’expérience de plus de 5100 patients. L’ANSM devra obligatoirement en tenir compte dans son examen de l’a demande dAMM.

6 / Nous avons néanmoins quelques déceptions. Nous avons demandé au Conseil d’Etat de se prononcer sur la légalité de la décision de l’ANSM. Nos arguments n’ont pas été sur ce point entendus et la décision est considérée comme valide sur le plan du droit administratif.

Le Conseil d’État n’a pas la possibilité, quant il s’agit d’actes discrétionnaires de l’Administration (et la décision de l’agence sur la base de l’article R en est une) d’aller en détail examiner les motifs de la décision.

Il n’a donc pu remettre en question la validité de l’étude CNAMTS-ANSM-INSERM et la confrontation à tous les éléments de contradiction  q nous avions versés et provenant d’experts du baclofène ou d’experts de l’épidémiologie.

Nous avons cependant d’autres pistes pour remettre en cause cette étude. Elles seront explorées prochainement.

7 / Les retombées sont positives : la presse médicale relaie correctement le message et le communiqué du Conseil d’État a contribué à faire rentrer dans l’ordre une partie des problèmes d’approvisionnement

https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2018/05/23/le-conseil-detat-valide-la-limitation-des-doses-de-baclofene-par-lansm_858129

Pour éviter tout difficulté, nous vous conseillons de vous munir du communiqué du Conseil d’Etat joint, et de le présenter au médecin ou au pharmacien en cas de refus.