Extrait des critiques formulées contre le CSST lors des auditions devant la Commission mixte ad hoc du 3 juillet 2018

Retranscription effectuée par les bénévoles
des associations AUBES et COLLECTIF BACLOHELP

La vidéo officielle des auditions diffusée sur le canal Dailymotion officiel de l’ANSM est visible à l’adresse suivante :

https://www.dailymotion.com/video/x6nndvs

Le minutage indiqué dans le texte au format [heure : minute : seconde] correspond à la vidéo diffusée à ces adresses :

– pour le matin (de [0 heure : 00 minute : 00 secondes] à [3 heures : 39 minutes : 00 secondes]) :

ou

– pour l’après-midi (de [0 heure : 00 minute : 00 secondes] à [4 heures : 34 minutes : 41 secondes]) :

ou https://youtu.be/AHZ8AFz8y7I

00:11:26 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

Monsieur le président, Messieurs les vice-présidents, Mesdames et Messieurs les membres de la commission, je viens ici pour une vingtaine de minutes pour vous donner les points qui m’ont apparu les plus saillants du travail d’évaluation du rapport bénéfice / risque du baclofène dans le traitement des patients alcoolo-dépendants.

Le CSST s’est réuni deux journées entières : une journée en février, une journée en avril, et c’est à la fin de cette dernière réunion que le comité a émis une page qui donne son point de vue sur l’évaluation du rapport bénéfice / risque tel qu’il a pu l’étudier. Ce qui est important c’est de connaître la composition et de réfléchir sur la composition de ce CSST qui était formé de cinq personnes.

[…]

Il est très important de connaître de quoi nous parlons. En fait le CSST a travaillé à partir de documents. Il comprend essentiellement, la liste est complète dans le rapport[1], mais je voudrais insister sur le corps des documents qui ont été étudiés par le CSST, c’est une demande d’AMM déposée par un laboratoire avec deux rapports d’essais cliniques randomisés contre placebo. L’essai ALPADIR et l’essai BACLOVILLE pour lequel le laboratoire a fourni des résumés de données d’efficacité et de sécurité du médicament dans l’indication de l’alcoolo-dépendance.

Ce rapport d’AMM a fait l’objet d’une évaluation par l’agence, par les services de l’agence, dont nous avons disposé et ETHYPHARM, le laboratoire demandeur, a émis des réponses à des
questions posées d’abord par l’ANSM, puis ensuite par le CSST lui-même, qui s’est conclu
dans notre séance du mois d’avril par une audition des membres du laboratoire qui sont venus répondre verbalement aux questions que le CSST avait alors posées.

[…]

Bien entendu il ne s’agit pas d’une analyse bibliographique scientifique de la problématique du baclofène dans l’alcoolo dépendance, il s’agit bien de compléter notre information par rapport à la demande d’AMM telle qu’elle nous a été présentée et nous n’avons pas dévié de cette position.

Je voudrais simplement signaler comme vous l’avez vu peut-être dans le rapport que le contexte dans lequel s’inscrit notre travail était très particulier[1] et aurait sans doute mérité des développements, je ne fais que les citer évidemment ici.

[…]

Deux essais : ALPADIR et BACLOVILLE. Les résultats en termes d’efficacité sont schématisés, je dis bien schématisés sur cette diapositive.

Le critère principal de l’essai ALPADIR, le maintien de l’abstinence à 6 mois donne des résultats étonnants car ils n’étaient pas prévus : 10 à 12% de maintien d’abstinence sur des patients initialement abstinents bien entendu. Résultat non significatif.

Beaucoup de critères secondaires ont été examinés et là, en accord avec les recommandations de l’agence européenne pour ce type de traitement, et j’ai isolé le problème de l’abaissement de la consommation à 6 mois, qui est un critère secondaire, pour lequel un abaissement de 10 grammes par jour de consommation d’alcool non significative a été mis en évidence dans la comparaison entre le groupe médicament et le groupe placebo. Parmi les autres critères secondaires, et ils étaient nombreux à examiner, le seul résultat significatif a été un résultat qui concerne l’interrogation par un questionnaire spécifique concernant le craving et qui montre une amélioration du craving dans le groupe médicament par rapport au groupe placebo.

Le deuxième essai, c’est un essai qui s’appelle BACLOVILLE pour lequel un certain nombre de remarques vont être faites et qui apparaîtront dans la diapo suivante.         
Le résultat a été que la consommation à 6 mois considéré comme critère principal de cet essai a baissé de 6 grammes par jour, c’est à dire pas très différent de ce qui a été observé
dans BACLOVILLE [NDLR : il veut dire ALPADIR] mais là le rapport fait état d’une
signification qu’on peut considérer comme signification statistique limite
.   
Parmi les critères secondaires, j’ai isolé ici le nombre de jours à la consommation élevée qui est un critère important dans ce type d’ analyse et le résultat a été une baisse de un peu plus d’un jour par mois de consommation élevée et qui était non significative.

Par contre la diminution du craving avec le même questionnaire OCDS qui a été mise en évidence dans ALPADIR a été jugé significatif dans l’essai BACLOVILLE. Alors ces résultats dont je vous parle, vous me pardonnerez pour leur sécheresse mais cela résulte de choix que j’ai fait personnellement pour cette présentation, mais vous avez tous les détails dans le rapport.

Par rapport à la littérature on est frappé de l’extrême hétérogénéité des résultats concernant les effets d’efficacité du baclofène dans l’alcoolo-dépendance. Cette hétérogénéité prolongée de l’abstinence après baclofène qui n’a pas été observée dans les études françaises, en tout cas pas dans ALPADIR pour lequel c’était le critère principal, par contre la diminution de la consommation à six mois qui a été observée en limite de signification dans l’essai BACLOVILLE, n’a pas du tout été retrouvée dans la méta-analyse et c’est la même chose pour le craving que qui a été trouvé dans les deux essais français et qui n’a pas été observé dans la méta-analyse.

[…]

estimation est non seulement faible mais elle est peu robuste. Et là, la robustesse de ces estimations pourrait faire l’objet de longues dissertations.

Nous avons essayé de résumer dans le rapport écrit, pour lequel on avait quand même une limitation du nombre de pages, les problèmes qui se posent autour de ces deux essais.

Tout d’abord pour l’étude ALPADIR, une puissance statistique insuffisante puisque il était prévu une différence énorme : on espérait un gain du baclofène énorme sur le maintien de l’abstinence
à six mois, passant de 25 % à 45 % à 6 mois. Ce que l’on observe c’est 10% et la même chose dans le groupe placebo et dans le groupe traité. La puissance statistique ne permettait
évidemment pas de montrer qu’il pouvait y avoir un bénéfice dans ce critère dans l’étude ALPADIR.

Je ne m’étendrai pas sur les remaniements du protocole de l’étude BACLOVILLE, mais ce point là est un point très très important. Et là, une fois de plus, je vous demande de bien vouloir prendre connaissance du rapport où vous aurez un certain nombre de critiques sur la manière dont cet essai a été d’une part mené et d’autre part analysé. Les résultats, c’est que, de l’avis unanime des membres du CSST aucune robustesse n’a pu être accordée aux estimations que fourni l’essai BACLOVILLE.

Je vous rappelle que seul l’essai ALPADIR a fait l’objet d’une publication scientifique dans un journal dit « à comité de lecture » et que l’essai BACLOVILLE, que ce soit sous sa
forme originale, tel que il a été promu par l’AP-HP, ni sur sa forme ré-analysée par le laboratoire ETHYPHARM, n’a fait l’objet de la moindre publication à notre connaissance, évidemment.
Ce qui caractérise aussi ces essais et qui font que nous considérons que les effets mis en évidence sont non seulement faibles mais sont peu robustes, c’est le nombre très très important de données manquantes et de sorties d’essai. Ce sont les deux aspects qui entachent évidemment les analyses statistiques de certains doutes sur la validité de leurs résultats. Alors, je sais bien que on peut prendre en compte les données manquantes en faisant certaines hypothèses, mais compte tenu des différences entre le groupe placebo et le groupe baclofène, en ce qui concerne les sorties d’essai, personnellement je mets en doute la capacité que tous les biais liés à ce grand nombre de données manquantes, je rappelle que c’est 60 % de sortie d’essai dans BACLOVILLE, ce qui est quand même beaucoup plus que ce que la littérature permet d’observer.

[…]

Fréquence plus élevée des effets indésirables de type neurologique et psychiatrique dans les deux essais.

Fréquence accrue des événements graves dans BACLOVILLE mais ce n’a pas été observé dans l’étude ALPADIR.

Aucune association entre la dose de maintien, maintenance-dose du baclofène et l’existence des événements indésirables, qui est un point qui a beaucoup posé d’interrogation au CSST car on s’attendait évidemment que les événements indésirables soient liés à la dose de baclofène et il a fallu reprendre, analyser le fait dont les doses étaient fixées dans les deux essais, c’est
à dire on augmente puis on diminue en fonction des effets indésirables, pour se rendre compte que l’absence d’association n’est pas si extraordinaire que ça dans ce type d’essais où ce n’est pas un dose fixe. Si les doses ne sont pas fixes, c’est difficile de mettre en évidence sur…

Ceci étant dit, lorsqu’on regarde en détail les données telles qu’ETHYPHARM les a fournies, on s’aperçoit que la proportion d’événements graves parmi l’ensemble des événements, elle semble croître avec la dose reçue et ce point là est un point qui avait échappé au laboratoire.

Il y a une grande cohérence avec des observations cliniques qui ont été publiées sur la fréquence augmentée des effets indésirables du baclofène par rapport au placebo. Nous avons regardé en détail les résultats de l’étude de pharmaco-épidémiologique que je résume en quelques lignes ici, et, là, je souhaite que vous preniez contact avec le rapport lui-même qui lui est très complet sur la manière dont cette étude s’est déroulée. Dans la population française, le risque d’hospitalisation et de décès est plus élevé chez les patients qui débutent un traitement par baclofène sans indication d’AMM que chez ceux débutant un traitement par un médicament bénéficiant déjà d’une AMM pour dépendance à l’alcool.

Donc c’est ça le résultat princept, je le lis, tous les mots sont importants : c’est bien des sujets de la population réelle, ce sont des dizaines de milliers de sujets qui ont été analysés, qui débutent un traitement par baclofène et qui sont comparés à des sujets les plus comparables possible, c’est-à-dire qui débutent également un traitement, mais par un des produits, des quatre produits qui bénéficient de l’AMM.

[…]

Limitation des résultats de sécurité[1]. Comme très souvent, il s’agit d’observations et non pas de données expérimentales, donc il y a des problèmes d’interprétation des résultats de sécurité.

En ce qui concerne les essais, il est évident qu’ ils n’étaient pas calibrés pour étudier les événements indésirables. 
Les difficultés d’interprétation de l’absence de relation dose / effet, à condition qu’on complète par le fait de l’observation de la proportion d’événements graves qui croît avec la dose en particulier dans l’essai BACLOVILLE.

Quant à l’étude CNAMT-INSERM, les limitations des études de cohorte rétrospectives à partir des données médico-administratives, sont bien connues et sont bien spécifiées dans le rapport CNAMTS-ANSM-INSERM.

Les informations médicales disponibles sont limitées. La validité des diagnostics concernant
les événements détectés par le système peut être discuté et enfin les risques qui sont mis en
évidence sont des risques liés à des observations et donc toute la question de la causalité est possible.

[…]

Ma conclusion, c’est exactement la conclusion que vous trouverez dans le rapport. Au mot près. En l’état des données évaluées par le CSST, et cette remarque nous paraît tout à fait essentielle, car nous n’avons pas fait un travail dans l’absolu, nous n’avons pas conclu en disant ça marche, ça marche pas. On a analysé un certain nombre de données qui nous ont été soumises lors d’une demande d’autorisation de mise sur le marché et, en l’état, l’efficacité du baclofène dans l’indication demandée par le laboratoire a été jugée cliniquement insuffisante et en tout cas aucune robustesse ne semble pouvoir lui être rattachée. Ceci, ajouté à un risque potentiellement accru, je dis bien potentiellement accru, de développer des événements indésirables graves, y compris des décès, en particulier à des doses élevés, conduit à considérer que le rapport bénéfice / risque de l’utilisation du baclofène dans le traitement des patients alcoolo-dépendants, ce rapport nous paraît négatif. Je vous remercie.

[…]

00:36:43 ANSM – Commission mixte ad hocFrancis ABRAMOVICI

Merci Monsieur DUCIMETIERE pour ce rapport effectivement très complet, qui apporte beaucoup d’informations mais beaucoup de questions. Je les formule toutes peut-être en une fois, et puis… Oui. Effectivement, l’étude ALPADIR qui avait une volonté de montrer 20% ne pouvait pas le montrer, donc sa robustesse n’était pas suffisante.

On peut espérer 5 à 10% avec le baclofène et donc déjà c’est une étude qui posait des problèmes forcément difficiles à répondre. Une question sur la robustesse des résultats, on voit bien que les résultats sont à la limite de la significativité pour beaucoup des deux études et qu’ils vont tous dans le même sens, c’est à dire que si on est biaisé on peut se dire qu’il y a 10 % de possibilités que ce résultat dans le même sens soit dû au hasard. Si on avait dix critères, il y en aurait forcément un qui serait positif. Néanmoins, c’est le fait qu’ils aillent tous en même sens qui donne quand même une indication qui correspond un peu à celle de la clinique. Donc je voulais savoir votre avis sur ce point là.

La deuxième chose c’est : est-ce qu’on a un effet placebo aussi important dans les autres études internationales ? Dans la mesure où ce dilemme en France et cet aspect passionnel du baclofène avec Olivier AMEISEN au départ, a créé une espèce d’engouement pour ce médicament qui fait que bien entendu on peut imaginer que l’effet placebo soit particulier en France. Je sais pas si on a la réponse ou pas du poids dans les autres études internationales.

Sur le craving je revois dans le rapport de la SFA qui avait été fait par François PAILLE il n’y a pas si longtemps, que dans les études d’ ADDOLORATO il y avait si un effet positif sur le craving, s’il n’a pas été retrouvé. Est-ce que dans les méta-analyses, les autres études avaient également ce questionnaire sur le craving ou est ce que certaines ne l’avait pas pris en compte: c’est une question qui me semble importante. Voilà essentiellement pour les questions d’efficacité.

Sur les questions du risque, le baclofène, normalement, à la suite de la RTU, devait être donné en deuxième intention, donc théoriquement, à des patients plus graves que les patients qui avaient déjà eu un premier traitement. Donc est-ce qu’il n’ y a déjà pas ici un nouveau biais de sélection des patients? Puisque, théoriquement, c’est ceux qui avaient eu un premier traitement avec les molécules anciennes et qui n’avaient pas répondu à ce premier traitement qui devaient recevoir le baclofène dans la RTU.

Question ensuite: est-ce que, j’imagine que oui, mais c’est une question qu’on m’a posée, est-ce que les données de l’étude de CNAMTS-INSERM on est bien été corrigées en fonction de l’âge, du sexe, j’imagine que oui, mais c’est une question qu’on m’a posée, alors je vous la rapporte.

Et puis les données du CSST n’ont donc pas pris en compte les méta-analyses qui existaient déjà si j’ai bien compris, c’est un choix méthodologique du fait de la demande d’autorisation de mise sur le marché, mais la méta-analyse de PIERCE qui est parue là, au mois de juin, qui est parue avec une publication internationale, donne une efficacité au baclofène. Donc voilà par rapport à cette discordance entre la méta-analyse qui est parue il y a quelques jours, le 21 juin et que François PAILLE notait dans son rapport comme non publiée, voilà, une question sur cette discordance.

00:39:55 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

Bien sûr l’efficacité le l’effet placebo a étonné tout le monde y compris le laboratoire.
Nous avons été étonnés lors de l’audition par le CSST du laboratoire, et c’est pour ça que les propos ont été retranscrits in extenso dans le rapport, le laboratoire a en effet incriminé la situation particulière je dirais socio-psychologique en France concernant l’utilisation du baclofène dans l’alcoolo dépendance comme étant la cause de ces effets placebo très très très importants. Il faut bien voir que l’étude ALPADIR avait fixé, je dirais correctement sur le plan méthodologique, un nombre de sujets. Donc, c’est bien avec les données de la littérature au moment du lancement du protocole qu’ il avait été proposé que l’essai devrait être capable de montrer un passage de 20 à 45% à 6 mois du maintien de l’abstinence. C’est bien! On pensait que l’effet placebo n’avait pas la force qu’il a eue
dans l’étude. Autre chose, j’ai pas bien peut-être tout noté, mais vous allez me reprendre.

En ce qui concerne l’étude CNAMTS-INSERM dont il est évident que les facteurs âge, il n’y avait hélas, pas énormément de données médicales et même démographiques dont on puisse tenir compte, c’est une des limitations de ces études d’ailleurs, c’est pas spécifique à celle-ci : toutes les études qui utilisent l’ OS-MDS, le système national des données de santé, évidemment heureusement l’age, le sexe mais aussi certains autres facteurs comme des antécédents.

Sur le fait que la sélection a été faite, on peut pas dire que le baclofène a été donné en seconde intention après échec des autres. La sélection des sujets dans l’étude est une sélection où le premier médicament pris par les patients était le baclofène. C’est à dire que je crois que si dans la période de cinq ans auparavant il n’y a pas eu de distribution d’autres médicaments concernant l’alcool si ce n’est le baclofène, même chose pour les médicaments pour les groupes prenant les médicaments témoins, contrôle, puisque là tous les sujets qui auraient pris du baclofène sont exclus, ils ont débuté leur traitement par l’acamprosate ou le nalméfène, donc voila les deux questions pour lesquelles je voulais être précis dans mes réponses. J’ai dû en oublier quatre ou cinq.

00:43:25 ANSM – Commission mixte ad hocFrancis ABRAMOVICI

Effectivement, c’est normal.

La première c’était sur la non significativité, qui est quand même à la limite pour certaines données et qui vont toutes dans le même sens, et sur le fait qu’elles vont toutes dans le même sens, qu’elles rejoignent une méta-analyse qui donne une efficacité. Voilà, est-ce qu’on peut en tirer les mêmes conclusions? Parce que la robustesse de l’étude CNAMTS-INSERM… Ayant travaillé longtemps dans les banques de données de l’analyse de l’Assurance Maladie, je sais combien l’extraction des données et ce qu’on met à l’intérieur, pose des problèmes méthodologiques majeurs, qu’on ne peut pas avoir beaucoup de robustesse avec une étude de ce niveau là et donc, est ce que, du coup, robustesse contre robustesse….? Voilà: comment fait-on, nous, pour juger?

00:44:08 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

C’est, ce sont des robustesses de toute autre nature. Les robustesses des estimations statistiques des études à partir des bases médico-administratives ne tiennent pas au nombre de sujets étudiés. Il y en a à la limite trop, mais c’est tout l’avantage de travailler avec des données en situation réelle, c’est à dire que tel que le baclofène a été à un certain moment prescrit pour la première fois à des sujets en dehors des motivations de l’AMM qui existent pour le baclofène et qui concernent une pathologie très particulière.

En ce qui concerne l’interprétation des résultats qui vont dans le même sens, ça nous a évidemment frappés, vous comprenez bien, mais nous n’avons rien pu dire à ce niveau là pour une raison simple : c’est que vu la faiblesse de l’effet moyen au niveau du groupe étudié – le groupe baclofène en comparaison avec le groupe placebo – compte tenu du fait, il n’est pas du tout impossible qu’il y ait un petit nombre de sujets pour lequel il y ait un véritable bénéfice de ce médicament, qui pourrait expliquer que en moyenne sur le groupe, on observe des effets très faibles.        
Ceci est un problème général, et il est vrai que la manière dont les doses sont fixées dans ces deux études par rapport à toute la plupart des autres études des essais cliniques pour lesquelles les groupes étaient faits à dose fixe, le fait de laisser des doses variables selon les réponses du sujet valent dans le sens de la possibilité d’un tel…. il est dit je crois assez clairement tout proche de la conclusion dans le rapport du CSST que on ne peut pas évacuer cette possibilité. Tout ce que l’on dit, c’est qu’en fouillant la littérature, certes pas exhaustivement, mais ce que on peut tirer de ce que nous avons lu : il n’y a pas de données scientifiques qui puissent valider une telle hypothèse.       
Qu’il y ait des points de vue, qu’il y ait des avis d’experts, qu’il y ait des gens de terrain qui pensent que là est la clé du problème, nous, nous répondons : nous n’avons pas d’arguments scientifiques pour avancer cette hypothèse. Ce qui ne veut pas dire que nous la rejetons et c’est dit noir sur blanc sur le rapport avant de conclure.

00:47:47 ANSM – Commission mixte ad hocFrancis ABRAMOVICI

Dernier mot promis, juste reprenant là, je l’ai sous les yeux, le rapport de François PAILLE de la SFA qui reprend l’analyse qui est parue le 26 juin, la dernière méta-analyse il dit qu’il y a un effet, la « méta-régression » a montré comme pour tous les autres médicaments d’ailleurs, une corrélation positive entre la taille de l’effet sur le délai de reconsommation, le pourcentage de jours d’abstinence et la consommation moyenne d’alcool par jour, avant l’inclusion dans les études et une consommation plus importante, était corrélées avec une meilleure efficacité du baclofène, donc il y a des hypothèses qui vont quand même dans le sens que certains patients et ça, c’est la méta-analyse dans la bibliographie, qui le dit, donc c’est contradictoire avec ce que j’entends là simplement, et je ne saurais pas trancher bien sûr.

00:48:30 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

On n’a pas pris compte cette méta-analyse simplement parce qu’on ne la connaissait pas. Nous avons émis notre avis à la fin de notre réunion du mois d’avril 2018. Nous avions la dernière méta-analyse « auquel » d’ailleurs il est fait allusion dans le rapport c’est la méta-analyse de Rose, une méta-analyse anglaise. Voilà. Donc, ce qui est extraordinaire c’est que avec les changements de doses, qui font que la variabilité a été très grande, même si en moyenne les deux études ALPADIR et BACLOVILLE, une estimation de l’ordre de 160 à 170 mg par jour de baclofène, en moyenne, mais ça va dans l’un, de 20 à 180 et dans l’autre de 20 à 300 dans BACLOVILLE et il n’y a aucune corrélation observée dans ces études aux dires du laboratoire puisque, une fois de plus, c’est en fonction des résultats présentés par le laboratoire, qui dit clairement : il n’y a pas de relation entre l’efficacité, c’est à dire la baisse de consommation d’alcool, pour prendre ce critère là, et la dose finalement reçue par les individus pendant la période de maintenance.

Ceci ne va pas dans le sens d’une efficacité plus grande en fonction de la dose, mais, est-ce qu’il était possible d’espérer de trouver cette association? Non, parce que toute la souplesse de la fixation des doses, sans parler de la précision avec laquelle elle est connue, et je pense là aux travers et aux difficultés méthodologiques de l’essai BACLOVILLE, où on sait pas très bien qui dit la dose qui est prise, si c’est le malade ou si c’est le médecin qui observe, tout ça est dans un flou, mais j’ai pas voulu aborder ici devant vous cette partie qui est abordée dans le rapport, de la manière dont nous avons nous avons été surpris de voir la manière dont s’est déroulé cet essai du début jusqu’à la fin, avec un changement de critères tout d’un coup, passé d’observation à 12 mois à observation à 6 mois, parce que à 12 mois y avait plus personne dans l’essai, ou presque, il en restait quelques dizaines sur sur les 300 de l’essai, tout ça pose énormément de problèmes. Aucune relation dose / effet sur l’efficacité. Aucune relation, et là, c’est encore plus surprenant, dose / effet sur les effets indésirables en général, mais tout le monde a des effets indésirables, même les gens sous placebo, comme vous avez pu voir, bon.

00:51:52 ANSM – Commission mixte ad hocNicolas AUTHIER (Pdt)

Merci, Marc BARDOU, Albert TRINH DUC, Marie BONNET.

00:51:57 ANSM – Commission mixte ad hocMarc BARDOU (Vice-Pdt)

Je vais essayer de faire un tout petit peu plus court. Sur l’étude BACLOVILLE, vous avez dit que l’analyse, le plan d’analyse avait été changé entre ce qui était prévu par l’AP-HP et ce qui a été fait par ETHYPHARM.

Est ce que vous avez pu avoir accès à cette analyse telle que promue par l ‘AP-HP, parce que, et ça rejoint l’autre question : vous nous avez dit vous avez basé votre rapport sur l’étude de BACLOVILLE et ALPADIR puis sur les données littérature en disant vous aviez fait une analyse non systématique de la littérature. Et donc, d’accord, ce qui forcément fait s’interroger sur : est-ce vous n’avez pas sélectionné les études qui allaient dans le sens de ce que vous aviez eu comme impression à la lecture des deux essais cliniques, et c’est vrai qu’habituellement on se base sur ce qu’on a dans les essais cliniques. Et donc, ma question c’était essentiellement pour l’étude BACLOVILLE : avez vous eu accès aux données et l’analyse telles qu’initialement prévues au protocole?

00:53:06 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

Nous avons travaillé à partir des données fournies par le laboratoire ETHYPHARM, pour avoir une vision la plus objective possible du contenu de la demande d’autorisation de mise sur le marché, point.

J’ai parlé de la littérature, on peut pas complètement s’abstraire de la littérature. Comme vous avez peut-être remarqué à la lecture du rapport, c’estessentiellement la dernière méta -analyse qui étaient disponible au moment où nous avons travaillé, celle de Rose [NDLR : mêlant des études à petites doses inefficaces et d’autres à hautes doses], qui a paru je crois que c’est dans le BMJ. Donc on peut dire que c’est un choix, mais si vous voulez, il fallait un point de comparaison en sortant de l’ensemble ALPADIR BACLOVILLE.

Mais, on peut recommencer mille fois des méta-analyses, la preuve : une autre qui est sortie et qui semble conclure différemment, je vais me dépêcher d’en prendre connaissance parce que si elle montre que l’explication de l’hétérogénéité des résultats qu’on observe avec ce fichu baclofène, l’hétérogénéité des résultats vient du fait qu’il y à petit nombre de répondeur qui explique le fait que, dans les études et bien les résultats moyens vont un peu dans tous les sens, moi je suis preneur, parce que s’il y avait une démonstration, et pas une seule hypothèse, l’hypothèse nous la faisons dans le rapport : la possibilité qu’il y ait des sujets répondeurs, cependant nous n’avons aucune évidence scientifique en faveur de cette hypothèse, alors je ne vois pas comment une méta-analyse, même si elle date de quelques jours, peut permettre de répondre à la question.

ANSM – Commission mixte ad hocNicolas AUTHIER (Pdt)

Elle ne répond pas à la question, elle émet elle-même des hypothèses cette méta-analyse, ça n’apporte pas des réponses.

00:55:27 ANSM – Commission mixte ad hocAlbert TRINH-DUC

Au travers du travail que vous avez réalisé, Monsieur DUCIMETIERE, pensez-vous qu’un nouvel essai pourrait être mené puisqu’en fait, quels enseignements peut-on tirer des différents essais qui ont été réalisés? Si on prend par exemple BACLOVILLE, un certain nombre de patients qui sont sortis, qui n’ont pu être analysé, donc les données sont perdues. Est-ce qu’on peut tirer des enseignements. De ALPADIR, est-ce que sur le nombre de sujets nécessaires, manifestement il y a eu une petite erreur de calcul ou une mésestimation de l’effet, donc du coup, ça pouvait pas sortir? Est ce que au travers du travail que vous avez fait, vous pensez que aujourd’hui par exemple, puisque vous l’avez signalé dans les effets secondaires, même si vous avez repris après, vous l’avez nuancé, l’effet sur le craving, semble sortir, alors, avec toutes les mesures qu’il faut prendre de cet effet, puisque le critère principal ne sortait pas, mais que ça sortait en critère secondaire, mais quand même il y avait un petit signal, est-ce que ça mérite d’être approfondi? Ça, c’est ma question. Puis une petite remarque quand même par rapport à la fameuse méta analyse, méta analyse dont a parlé Monsieur ABRAMOVICI tout à l’heure pour être allé jeter un oeil; c’est une méta analyse, certes, mais absolument pas une revue systématique puisque ils ont pris dix essais, ils ont fait un calcul sur 10 essais, donc quand on la regarde d’un petit peu plus près, je pense qu’elle n’est pas dénuée d’un certain nombre de limites elle-même.

00:57:13 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

Je vais essayé d’être court aussi dans ma réponse : le CSST n’avait aucune mission de réfléchir sur : « et maintenant qu’est ce que nous faisons? ». C’est assez classique comme question qu’on se pose une fois qu’on a fait un point : « On y va? Qu’est ce qu’on fait? », le CSST à aucun moment, je vous rappelle que nous avons eu deux journées de travail ce qui n’est pas beaucoup, parce que il a fallu accorder nos violons, hein, pour beaucoup des membres, moi le premier, le baclofène on connaît pas, on connaît la méthodologie des essais, on connaît la science de l’épidémiologie etc., mais c’est tout, donc moi je ne dirais pas devant cette commission quelque chose qui ne résulte pas de l’avis général et consensuelle du CSST, donc sur ce point là, au risque de vous décevoir, je ne vous dirai pas : « mais il n’y a qu’à, il faut que l’on fasse si ou qu’on fasse ça ». C’est mon point de vue.

00:58:32 ANSM – Commission mixte ad hocAlbert TRINH-DUC

C’était pas la question, je ne parle pas au président du CSST, je parle à un expert en épidémiologie qui a fait un travail d’analyse sur les données qui étaient à sa disposition, avec un certain nombre de d’éléments de réponse. A partir de là, vous, expert en la matière, quels sont les enseignements que vous en tirez: surtout est-ce que vous voyez derrière quelques perspectives ?

00:59:01 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

Alors bon, j’ai entendu dire que des hollandais étaient en train d’envisager de relancer une étude de ce type là. Moi, ce que je peux dire, c’est que la situation en France concernant le baclofène ne ME paraît pas, donc je ne parle plus là au nom du CSST mais à mon titre personnel, comme une ambiance adaptée à ce qu’une étude sérieuse puisse être faite dans notre pays actuellement. Mais c’est un point de vue tout à fait personnel. Ce qui veut dire que un essai ça n’a pas lieu sur la planète mars, un essai ça lieu dans un pays, dans une situation donnée, et en particulier dans une ambiance particulière. L’effet placebo qui a été mis en évidence, c’est pas nous qui l’avons mis en évidence, c’est les deux essais en question: ils ont eu lieu à une période qui n’était pas une période de sérénité propice à l’examen scientifique rigoureux des protocoles quels qu’ils soient.

[…]

1:03:20 ANSM – Commission mixte ad hocFabrice OLIVET

Ma question s’adresse plus généralement à l’ANSM. En fait c’est sur la composition du CSST. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de représentation des patients concernés par cette pathologie et éventuellement, si vous n’êtes pas responsable de quoi que ce soit dans ce choix, qu’est ce que vous pensez de cette absence?

1:03:53 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

J’avais espéré avoir été assez clair, en disant que notre mission a été de juger sur pièces un certain nombre de données présentées par un laboratoire pour une demande d’autorisation de mise sur le marché.

La composition, a posteriori, je m’aperçois que la composition de ce CSST – cinq personnes – représentait exactement l’éventail de compétences et des expertises nécessaires à répondre à la question posée par l’ANSM, qui a constitué ce CSST. Donc pour nous, pour juger de la qualité scientifique des résultats qu’on nous présente. Nous pensons que le point de vue qu’a donné le CSST, c’est un point de vue scientifique pour lequel aucune autre considération, c’est pour ça que je me suis pas étendu sur le contexte, on pourrait parler du contexte, le contexte du travail que vous êtes en train de faire dans votre commission, le contexte c’est : s’il s’agit de décider, il paraît tout à fait normal que tous les points de vue puissent s’exprimer, c’est ce que je crois. L’ANSM, à écouter son directeur général, a décidé de faire. Le CSST est un élément et c’est un élément d’expertise scientifique et, pour moi, vous ne me convaincrez pas qu’il y à d’autres compétences à introduire lorsqu’il s’agit d’une expertise scientifique que celles qui sont représentées dans ces cinq personnes : épidémiologiste, spécialiste des méthodologies d’essais cliniques, de représentants d’agences étrangères, une : pharmacologue, l’autre : psychiatre. Donc vraiment, il y avait là tout ce qu’il fallait pour donner un point de vue partiel. Moi je veux bien accepter l’idée que le point de vue scientifique est un point de vue partiel. Il y à d’autres aspects à faire intervenir dans une décision d’AMM, mais dans cette partie là il n’y a pas de place à mon avis à d’autres types d’expertises et de compétences.

1:06:48 ANSM – Commission mixte ad hocNicolas AUTHIER (Pdt)

Merci, Hélène POLLARD.

ANSM – Commission mixte ad hocHélène POLLARD

Je vais aller vite. Vous avez insisté sur deux choses principalement qui étaient la grande hétérogénéité des résultats d’une part, et d’autre part le nombre important d’effets indésirables, très important d’effets indésirables. La grande hétérogénéité des résultats, c’est pas étonnant parce que les patients sont eux-mêmes excessivement hétérogènes. Vous avez les gros buveurs, les moins buveurs, ceux qui peuvent boire à 18h le soir seul etc., bon ça ça se comprend. Au niveau des effets indésirables et là moi ça m’a posé une question. Je me suis demandé comment on pouvait faire la part des effets indésirables qui était dûs au baclofène, de ceux qui était dûs à l’alcool, à la prise excessive d’alcool et ça, ça m’a gêné tout au long des lectures de tout ce que j’ai pu voir d’ailleurs. Il y a une deuxième chose dont je voulais éventuellement vous parler. C’est que vous n’avez pas du tout cité une petite étude observationnelle qui est l’étude OBADE. OBADE, qui est une étude qui voulait évaluer la prescription du baclofène dans les services hospitaliers et la consommation d’alcool. C’est une étude française. C’est une petite étude sur 200 et quelques patients et cette étude là, quand on regarde les conclusions, elle est relativement, elle n’est pas aussi pessimiste que peuvent être bien d’autres conclusions sur les effets du baclofène. C’est pour ça que je voulais savoir si cette petite étude donc, vous l’avez pas regardée.

1:08:23 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

[…] un point de vue de méthodologistes sur une demande d’autorisation de mise sur le marché. Voilà. Donc les documents nous ont été fournis et on nous a dit : « vous avez carte blanche pour donner votre point de vue en fonction de votre expertise, votre point de vue sur ces documents ». Donc l’étude dont vous parlez, il y en a énormément d’études de type rétrospectif, des observations etc., les conclusions sont parfois parfois pessimistes, parfois optimistes. Tout ça n’est pas de la science. Tout ça ce sont des points de vue exprimés à partir de ses propres idées sur le sujet. Ici, c’est pas par hasard qu’il n’y a aucun spécialiste d’addictologie dans la composition du groupe en question, parce que il ne fallait pas interférer. Nous avions un point de vue en tant que méthode à donner. Nous avons essayé de le donner le plus objectivement possible en ne cachant aucun résultat tels qu’on a pu les tirer des documents qui nous ont été fournis. Voilà la manière dont nous avons travaillé. C’est peut-être un peu clair, trop clair, trop simple, et quand c’est simple, vous pensez qu’il y a peut-être des loups, en fait, mon point de vue, c’est qu’il n’y en a pas. Nous ne nous sommes pas réunis à, comment dire, le soir, pour se mettre d’accord sur des points de vue .Nous avons travaillé en toute lumière et d’une manière contradictoire entre nous.

Il se trouve que les remarques que nous avons faites sur la faiblesse de l’efficacité, sur le grand nombre d’effets indésirables, mais c’est pas le nombre d’effets indésirables qui compte, Madame, c’est le problème des effets indésirables graves, parce que les effets indésirables sont bien connus, je parle sous le contrôle des spécialistes, sont bien connus dans l’utilisation du baclofène. Qu’il y ait des problèmes de somnolence, qu’ il y ait des problèmes de comportement avec ce produit, ce produit est connu depuis suffisamment longtemps pour qu’on en ait fait le tour. Le problème c’est que les doses qui ont été prescrites dans l’essai ALPADIR allaient jusqu’à 300 mg [il voulait probablement dire BACLOVILLE] et que c’est à partir de là que se pose le problème, non pas qu’il y ait des effets indésirables mais qu’il y ait plus d’effets indésirables graves. Nous l’avons un peu détecté mais je suis d’accord que c’est ad hoc et c’est a posteriori, à partir des données qu’ ETHYPHARM a fournies. Mais de manière beaucoup plus nette, la suspicion vient de l’étude pharmaco-épidémiologique, qui montre quand même des risques relatifs d’hospitalisation et de décès, non pas dans n’importe quel domaine : des décès qui là aussi peuvent être rattachés aux maladies du système nerveux [l’étude CNAMTS-INSERM pointe des décès liés à un domaine spécifique mais au contraire spécifie décès inexpliqués] et que l’on sait être particulièrement touché par ce produit qui est un produit très actif.

1:12:19 ANSM – Commission mixte ad hocHélène POLLARD

Par exemple, les crises d’épilepsie, comment faire la différence entre épilepsie induite par le baclofène ou épilepsie de manque ?

1:12:32 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

Je ne vais pas insister sur ma présentation, mais vous allez trouver ça dans le rapport. Lorsque le problème de l’interaction entre la consommation d’alcool et le produit, le médicament, en ce qui concerne les effets indésirables et en particulier les seuls qui, je pense sont d’intérêt dans cette problématique, qui sont les événements indésirables graves.

Ca a été regardé dans l’étude ALPADIR et dans l’étude BACLOVILLE, les résultats sont absolument pas clairs, voire même contradictoires. Dans ALPADIR on a regardé en fonction, si je me souviens bien, en fonction de la consommation estimée d’alcool et dans BACLOVILLE, c’est en fonction du niveau de dépendance, ce qui est mesuré dans les questionnaires ad hoc.

Ça va dans les deux sens différents.

Dans BACLOVILLE, c’est chez les sujets qui boivent le plus d’alcool, non, c’est plutôt l’inverse, dans BACLOVILLE, c’est les sujets qui boivent le plus d’alcool pour lequel on a plus d’effets indésirables graves, mais il y a peu de petits buveurs, donc le rapport du laboratoire lui-même disait « on peut pas conclure ».

Et dans ALPADIR, c’est l’inverse, c’était chez les sujets dépendants, bon heu, tout à coup, j’ai un trou, chez les sujets dépendants, ou on voit moins d’effets secondaires graves que dans les non dépendants. Donc il n’y a pas cohérence. 

Donc une fois de plus, au vu des résultats des deux essais, nous n’avons pas vu une conjonction de résultats montrant de manière claire que ces effets indésirables graves sont liés à une interaction avec le niveau de consommation d’alcool au moment de l’arrivée de ses… ce qui ne veut pas dire que, mais ces essais, j’en ai fait aussi la critique sur le plan méthodologique et la grande difficulté qu’on a de se faire une idée sur quelles étaient les doses, quelles étaient les consommations, tout ça est dans un flou qu’on a tort d’appeler artistique, parce que c’est pas artistique du tout, ce ne sont pas des données fiables sur lesquelles on peut baser une estimation robuste en termes d’efficacité ou en termes de sécurité.

ANSM – Commission mixte ad hocNicolas AUTHIER (Pdt)

Merci. Claude SICHEL et puis Jean-Michel DELILE.

1:15:47 ANSM – Commission mixte ad hocClaude SICHEL

Moi ça va être très rapide. J’avais deux questions à poser sur le principe du benchmarking, qu’est ce qui se passe dans les autres pays par rapport à ce qui se passe en France et la deuxième chose : pourquoi ne pas avoir une étude versus produit actif, puisqu’il existe des produits actifs qui ont l’AMM dans la même l’indication et pourquoi le laboratoire n’a pas fait ces études ?

1:16:11 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

Je ne suis pas le laboratoire je ne peux rien répondre à cette question.

1:16:15 ANSM – Commission mixte ad hocNicolas AUTHIER (Pdt)

Malheureusement on n’aura pas l’occasion d’interroger le laboratoire sur la qualité de son dossier et on peut le regretter puisque apparemment il semble qu’il y ait quelques éléments de faiblesse qui commencent à être pointés. Mais je comprends que Pierre DUCIMETIERE ne peut pas répondre à la place du laboratoire. Mais peut-être des réponses de l’agence concernant la problématique du baclofène, en termes de demande d’autorisation en Europe? Il y a des données là dessus? Vous avez des éléments ?

[…]

1:17:47 ANSM – Commission mixte ad hocJean-Michel DELILE

Merci, Monsieur DUCIMETIERE pour nous avoir présenté de manière aussi synthétique l’important rapport du CSST. Or, moi je suis clinicien- psychiatre et prescripteur occasionnel mais paisible de baclofène et j’ai une question sur votre dernière diapo précisément.

Vous allez voir que je suis pas méthodologiste, c’est une question de sémantique sur le premier paragraphe là, qui porte sur l’efficacité. Vous dites que l’efficacité a été jugée cliniquement insuffisante. J’aurais compris faible, médiocre, mais pourquoi insuffisante? Insuffisante par rapport à quoi? Par rapport aux attentes? Par rapport à un prérequis indispensable pour être validé comme médicament? Par rapport aux autres médicaments déjà sur le marché etc.?

Parce que nous sommes dans un secteur de traitement de l’alcool ou globalement les médicaments disponibles sont insuffisants en efficacité très très clairement. Mais, dans ce cadre là, ça me perturbe un peu, parce que si l’efficacité est insuffisante quel que soit le rapport bénéfice / risque, même si les bénéfices étaient plus faibles, finalement, le produit resterait suffisant et ne serait pas digne d’être mis sur le marché?

Donc c’est ce point là que je voulais clarifier : la balance sémantique entre insuffisant et faible. Et l’autre élément qui me vient à l’esprit, par rapport à ce que vous disiez tout à l’heure. C’est, on est frappé évidemment par le contraste entre la perception de certains cliniciens qui disent que dans certains cas avec certains patients finalement ce médicament semble avoir été utile et puis des données qui présentent une taille moyenne d’effets effectivement faibles voire insuffisants. Je pense qu’une des hypothèses à creuser effectivement c’est l’hétérogénéité des patients, non seulement des dosages et des personnes etc. mais je me souviens bien, pour en avoir discuté dans le temps avec Charles O’BRIAN, qui est Professeur de psychiatrie, d’alcoologie à Philadelphie et qui avait été un des développeurs de la naltrexone, on observait le même phénomène en fait, historiquement avec la naltrexone. Si bien qu’aux Etats-Unis, on s’était orienté vers une médecine personnalisée avec des études pharmacogénétiques pour essayer d’identifier quels étaient les patients chez qui cela allait être efficace. Et notre remarque sur le nalméfène et l’effet placebo, je me souviens des études nalméfène où l’effet placebo était non négligeable et où ce qui avait été très intéressant, je le dis pour Marie BONNET et pour les psychiatres, on se rendait compte que dans l’efficacité globale que ce soit avec le placebo ou le médicament nalméfène, la part attribuable en termes d’efficacité, essentiellement c’était Brenda, c’est à dire le protocole que vous avez étudié, c’est à dire c’est l’intervention psychosociale en fait, qui boostait le plus l’efficacité des traitements, ça c’est une parenthèse sur l’importance de la prise en charge psychosociale, et donc d’une certaine manière de l’alliance thérapeutique et donc d’une certaine manière de l’effet attendu avec le prescripteur et donc de l’effet placebo etc.

ANSM – Commission mixte ad hocNicolas AUTHIER (Pdt)

On lui répond peut-être sur l’efficacité faible ou insuffisante et puis on s’arrêtera là.

1:20:38 ANSM – CSST – Pierre DUCIMETIERE (Pdt)

Absolument. Le médicament est, avec la panoplie de médicaments existants, il a été montré des effets qui sont guère tellement plus nets, plus nets si, parce que faits avec des études de taille plus importante que ALPADIR, en particulier. Il y avait donc une attente, il y a une attente de nouveaux médicaments. Cliniquement insuffisante, ce que l’on n’a voulu dire, mais peut-être que c’était un peu réducteur, tel que ça dit là. C’est que ce n’est pas avec des effets moyens de ce type là qu’on peut intervenir réellement sur les vrais effets des consommations à risque d’alcool, qui sont des effets de morbidité et de mortalité.

Voilà, autrement dit, cliniquement insuffisante on est au niveau des groupes, on n’est pas au niveau des individus. Sur les individus, ce que j’ai dit, je le maintiens : il n’y a pas d’évidence scientifique. Moi je ne connais pas de données pharmacogénétique sur ce sujet. Peut-être que demain nous en aurons et que ça changera la donne. Mais pour l’instant on ne peut pas fonder un point de vue scientifique sur autre chose que sur les données qu’on nous présente. Et sur les données qu’on nous présente, les variations de consommation d’alcool, même si elle existent, ne changeraient rien au paysage de santé publique des problèmes liés à l’alcool dans un pays comme la France. Donc, c’est insuffisant par rapport aux contextes qui sont les attentes d’un nouveau médicament qui romprait avec les résultats que l’on observe, qu’on a observés avec le Sélincro, etc. Donc voilà ce que je peux dire. Le mot cliniquement, c’est vrai, est un mot ambiguë et je pense qu’on aurait pu s’en passer. On aurait pu dire que l’efficacité a été jugée aussi bien sur le plan clinique que sur le plan de santé publique comme ne permettant pas de combler les attentes. Voilà, en fait, c’est une périphrase qu’il aurait fallu faire, qui a été réduite là en « cliniquement insuffisante ». Surtout par rapport à l’effet placebo. Qu’est ce que c’est que cet effet placebo qui permet en six mois de diminuer de pas loin de 50% de la consommation d’alcool telle qu’elle est racontée par les gens dans l’étude? Mais alors là se pose du problème de méthodologie de l’essai lui-même. Comment est ce qu’on a connu ces modifications de consommation au cours du temps? On sait que c’est extraordinairement difficile, surtout dans un contexte général où il y a beaucoup de passion dans l’air, donc tout ça ne facilite pas l’objectivité des résultats qu’on nous montre.

2:21:03 COLLECTIF BACLOHELP – Renaud de BEAUREPAIRE

Depuis que le baclofène est apparu on ne cesse de nous dire « faîtes des études » sans arrêt.

Ca permet de reporter à plus tard la reconnaissance du baclofène. Alors ça devient comique. D’abord on a une étude qui est extrêmement bien faite, qui est BACLOVILLE.

BACLOVILLE est extrêmement bien faite et JAURY n’arrive pas à la publier parce que les journaux et les reviewer sont parfaitement favorable à l’étude mais refusent de prendre la responsabilité de publier une étude à haute dose de baclofène. Les directeurs de journaux disent « écoutez votre étude est très bien faite, on est d’accord pour la publier mais nous ne prendrons pas la responsabilité de publier une étude parce que le sujet est polémique ». C’est à dire qu’on a réussi à mettre en place une ambiance telle que plus personne n’ose dire que le baclofène à haute dose ça marche.

Alors les études, non ça va.

Toutes les études sont positives sauf deux études : ALPADIR, on sait pourquoi, et l’étude hollandaise, on sait encore mieux pourquoi.

L’étude hollandaise il y a moins de 30 % des patients sous placebo qui rechutent, ça veut dire qu’ils ont empêché les patients de rechuter de façon à avoir les placebos et les baclofène identique. Il y a 25 % de patients sous baclofène qui rechutent, il y en a un peu moins de 30 % sous placebo.

On n’a jamais vu dans l’histoire de l’addictologie des études sur plusieurs mois où on avait moins de 30 % des patients sous placebo qui rechutent.

Ca veut dire que l’étude a été trafiquée et que c’est une escroquerie l’étude hollandaise.

L’étude ALPADIR n’a pas été trafiquée. C’est l’incompétence – et ça tout le monde aujourd’hui le sait – des personnes qui ont fait l’étude qui fait que l’étude est négative. Elle a été mal conçue : une dose cible, comme l’a dit blaise tout à l’heure, c’est quelque chose qui ne marche pas et les expérimentateurs ont témoigné devant moi et m’ont dit « mais en fait on ne savait pas faire une étude, on faisait sortir les patients dès qu’il y avait un effet secondaire ».

C’est une étude qui est mal faite par l’incompétence, pas par la volonté de faire une mauvaise étude, mais par l’incompétence des expérimentateurs, et vous le savez et tout le monde le sait.

Et je ne parle pas de la troisième entre guillemets étude, l’ étude de la CNAMTS qui est en fait, pas la peine que j’en parle tout le monde sait que c’est une étude qui est absolument inacceptable.

Alors ensuite les études donc c’est fini.

Toutes les études qui vont paraître, celle de GARBUTT, celle dont on a parlé […] tout à l’heure, il y a énormément d’études qui vont paraître, elles sont toutes positives et elles sont là.

Elles arrivent et elles sont toutes positives.

En fait il y a une seule étude qui a de la valeur, à mon avis, et c’est pas une étude ce sont les témoignages. Quand vous avez 10 000 patients qui témoignent qu’ils ont été guéris par une molécule, peut être qu’il faut se dire qu’il se passe quelque chose.

Il y a uniquement ça qui compte.

[…]

2:48:24 COLLECTIF BACLOHELP – Renaud de BEAUREPAIRE

Il n’y a aucun lien entre la tolérance et les doses, il y a des personnes qui au premier comprimé ont un état confusionnel et qui sont intolérantes au baclofène et il y a des patients qui montent à 300 mg sans que rien ne se passe donc là la dose n’est pas la question.

La question c’est quand on commence à donner un traitement par le baclofène il faut prendre un certain nombre de précautions. Il y à des pathologies qui s’accordent mal avec le baclofène, par exemple l’épilepsie, la maladie de Parkinson, on a parlé des syndromes d’apnées du sommeil, les troubles cardiovasculaires en général, les antécédents d’hémorragie cérébrale et de souffrance cérébrale, tout ça s’accorde mal avec le baclofène.

Ca ne veut pas dire qu’on va refuser le traitement mais on va être beaucoup plus prudent dans l’augmentation des doses, dans la surveillance, simplement le principe c’est que quand on voit une personne pour la première fois c’est impossible de dire – une personne saine qui n’aura pas de pathologie particulière – c’est impossible de dire si elle va avoir des effets secondaires, à quelle dose et qu’ il arrive qu’on monte à des doses très élevées sans qu’il y ait le moindre effet secondaire, il y a de patients qui sont arrivés à 400 mg et qui n’ont rien éprouvé, ni sur l’alcool ni sur les effets secondaires.

Peut-être que c’est un problème de passage avec les barrières, peut-être que ces gens ont une cinétique différente du baclofène, je ne sais pas, on ne sait pas.

Simplement les sensibilités seront extrêmement variables d’une personne à l’autre et on peut pas agiter le chiffon rouge de la dose en disant « oh la la on va monter à des doses » c’est pas ça la question, la question c’est qu’il y ait des sensibilités variable d’une personne à l’autre concernant le baclofène.

[…]

3:20:12 COLLECTIF BACLOHELP – Renaud de BEAUREPAIRE

Donc il y a trois questions, la première c’est votre attitude qui suscite chez nous des impressions que le baclofène ça vous pose à beaucoup un très gros problème qui ne devrait pas être ainsi. Parce que pour nous le baclofène ça va de soi et apparemment pour vous ça ne va pas de soi et là il y a un hiatus assez terrible et on a l’impression de porter quand même un langage de vérité auquel on a l’impression parfois que vous n’êtes pas sensible mais bon très bien c’est comme ça que ça se passe.

Votre deuxième question c’était BACLOVILLE. Je ne veux pas parler de BACLOVILLE, je pense que Philippe JAURY sera là cet après-midi et vous répondra très très bien aux questions.

J’ai bien entendu vos questions, je pourrais y répondre mais je préfère que ce soit Philippe JAURY qui y réponde parce qu’il y répondra beaucoup mieux que moi.

La troisième question c’est celle où j’ai dit qu’on avait empêché des patients de rechuter alors je m’étonne que vous posiez la question, c’est l’étude hollandaise.

L’étude hollandaise, où on a donc donné très schématiquement deux groupes, un sous baclofène un placebo et ce qu’on voit au bout de quelques mois de traitement c’est qu’il n’y a pas de différence entre les baclofène et les placebos.

Ce qu’on voit c’est que dans les baclofène il y a à peu près 20 à 25% qui ont rechuté ce qui est un chiffre très faible. Quand on donne un placebo normalement à des patients alcooliques dans toutes les études dans l’histoire de l’addictologie en alcoologie au bout de quelques mois les patients alcooliques sous placebo rechute à 70 ou 80 %, c’est toujours le cas. Y a pas d’étude d’exception – sauf ALPADIR où c’est uniquement 44% – mais à part ça il n’y a pas d’exception à ça.

Quand vous regardez l’étude hollandaise vous voyez qu’il y a moins de 30% des patients sous placebo qui ont rechuté et là on peut se poser la question.

Pourquoi dans cette étude il y a si peu de patients sous placebo qui ont rechuté. Je pensais que vous aviez étudié cette étude. Pourquoi ils ont pas rechuter les placebos et ça a été la grande escroquerie on peut dire de l’étude hollandaise c’est à dire qu’on a empêché les gens sous placebo de rechuter en les gardant à l’hôpital, en leur faisant des psychothérapie intensive du matin au soir, tout le monde le sait ça, c’est à dire qu’on a intensément pris en charge les patients sous placebo de façon à ce qu’il n’aient pas accès à l’alcool et qu’ils ne rechutent pas.

Et alors évidemment en fin de compte on s’aperçoit que les placebos et les baclofène c’est pareil, personne n’a rechuté.

Mais c’est pas une étude recevable ! On peut pas empêcher les patients de boire de l’alcool et dire ensuite vous voyez ça marche pas, c’est invraisemblable. Relisez l’étude de BERAH, regardez là les taux de rechute il y a un schéma qui est très bien fait, vous verrez que c’est invraisemblable qu’il y ait moins de 30% des patients sous placebo qui aient réchuté. La courbe de KAPLAN MEIER, vous connaissez la courbe, on voit très bien les rechutes. C’est insensé qu’au bout de plusieurs mois il y ait moins de 30% des patients sous placebo qui aient rechuté, c’est qu’on les a empêchés de rechuter, on les a gardés à l’hôpital on leur a fait des psychothérapies du matin au soir. Evidemment qu’ils n’ont pas rechuté.

[…]