Que faire si mon pharmacien refuse de me délivrer partie ou totalité de mon traitement ?

Que faire si mon pharmacien refuse de me délivrer partie ou totalité de mon traitement ?

Il est fortement conseillé à votre médecin prescripteur de prendre attache avec votre pharmacie habituelle avant que vous n’alliez, pour la première fois, chercher votre traitement. Un dialogue et une tentative de compréhension mutuelle se mettront probablement en place.

Dans le même temps, vous pouvez proposer à votre médecin les arguments supplémentaires suivants.

1. Jugement du tribunal administratif de CERGY-PONTOISE du 5 mars 2021

Dans un jugement rendu le 5 mars 2021 (n°1908658) (http://cergy-pontoise.tribunal-administratif.fr/Media/TACAA/Cergy-Pontoise/Documents/Jugements/2021/Communiques-de-presse/Baclocur-1908658/1908658), le tribunal administratif de CERGY-PONTOISE a :

– annulé la limitation de posologie à 80 mg par jour attachée aux AMM octroyée par l’ANSM aux spécialités BACLOCUR 10, 20 et 40 mg commercialisées par le laboratoire ETHYPHARM (point 28 et Article 1er) ;

ordonné à l’ANSM de supprimer de ses communications et des mentions portées sur les documents relatifs aux pratiques de prescriptions des spécialités Baclocur 10, 20 et 40 mg la limitation à 80 mg par jour de la posologie et de réviser les recommandations posologiques de ces spécialités dans un délai de six mois (point 28 et Article 2).

Communiqué du tribunal :

http://cergy-pontoise.tribunal-administratif.fr/A-savoir/Communiques/Sante-Baclofene-legalite-des-autorisations-de-mise-sur-le-marche-et-annulation-de-la-posologie-maximale-a-80-mg-par-jour

Presse :

L’ANSM a fait appel de ce jugement. Cet appel n’est pas suspensif.

2. Décision du Conseil d’Etat n°417607 du 23 mai 2018 n°417607, dite « Utilisation du baclofène » (https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000036938290/, point 10 de la décision) et communiqué du Conseil d’Etat du même jour (https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/utilisation-du-baclofene), § 8 :

« Il rappelle toutefois que l’élaboration d’une telle RTU ne dispense pas chaque médecin prescripteur de s’assurer que le recours à la spécialité faisant l’objet de la recommandation est indispensable pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient et, inversement, qu’elle ne lui interdit pas de prescrire la spécialité en dehors des indications ou des conditions d’utilisation mentionnées par la recommandation, dans les conditions et sous les réserves prévues par le deuxième alinéa du I de l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique (CSP). Le Conseil d’État rappelle de même que s’il appartient au pharmacien, en vertu de l’article R. 4235-61 du CSP, de refuser de dispenser un médicament, le cas échéant en en informant le prescripteur, lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger, le seul fait que la spécialité ait été prescrite à un patient en dehors de l’indication ou des conditions d’utilisation prévues par une RTU n’interdit pas au pharmacien de la délivrer dans le respect de cette obligation déontologique. » 

3. Décision du Conseil d’Etat n°441409 du 25 novembre 2020 (https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042570074), point 6 :  

« 6. Il ressort des pièces des dossiers soumis au juge des référés que la recommandation temporaire d’utilisation du baclofène dans la prise en charge des patients alcoolo-dépendants établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en 2014 mentionne, depuis sa modification en juillet 2017, une posologie maximale de 80 milligrammes par jour. Il en ressort également que les décisions du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé du 22 octobre 2018 autorisent la mise sur le marché des spécialités Baclocur dans la même indication que la recommandation temporaire d’utilisation du baclofène, avec la même posologie maximale de 80 milligrammes par jour. Ces spécialités peuvent faire l’objet de prescriptions non conformes à leur autorisation de mise sur le marché dans les conditions et sous les réserves prévues par le second alinéa du I de l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique. En particulier, leur prescription à une dose plus élevée que la posologie maximale prévue par l’autorisation de mise sur le marché est possible, sur le fondement de ces dispositions, lorsque le prescripteur la juge indispensable, au regard des données acquises de la science, pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient. L’abrogation de la recommandation temporaire d’utilisation du baclofène n’a ainsi pas modifié les conditions dans lesquelles une spécialité à base de baclofène peut être prescrite à des doses supérieures à 80 milligrammes par jour. […]  »

4. ARTICLE R. 4235-61 du Code de la Santé publique

Lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît
l’exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un
médicament. Si ce médicament est prescrit sur une
ordonnance, le pharmacien doit informer immédiatement
le prescripteur de son refus et le mentionner
sur l’ordonnance.

Sachez qu’un laboratoire sérieux est en train de contacter les pharmaciens pour les rassurer sur les ordonnances hors AMM.

Si, après ces premières démarches, vous vous heurtez à des difficultés ou un refus de votre pharmacien de vous délivrer tout ou partie de votre ordonnance, vous pouvez de nouveau proposer les arguments donnés à votre médecin.

Si le refus persiste

PREMIEREMENT, après lui avoir rappelé que la justice a annulé la limite de 80 mg par jour et a ordonné à l’ANSM d’effacer toute mention de limite à 80 mg par jour, vous pouvez lui montrer le jugement n°1908658 du 5 mars 2021 imprimé si nécessaire (http://cergy-pontoise.tribunal-administratif.fr/Media/TACAA/Cergy-Pontoise/Documents/Jugements/2021/Communiques-de-presse/Baclocur-1908658/1908658).

Vous pouvez également rappeler à votre pharmacien (imprimez la pour lui si nécessaire) les propos de la lettre de l’ANSM du 11 août 2017 (ANSM – Précisions concernant la réduction (2017-08-11)) adressée par la Directrice générale adjointe en charge des opérations de l’ANSM Christelle RATIGNIER-CARBONNEIL (qui est désormais la directrice générale de l’ANSM) au Collège de médecine générale (CMG), à la Société française d’Alcoologie (SFA), à la Fédération Française de Psychiatrie (FFP), au Collège National des Universitaires de Psychiatrie (CNUP), au Conseil National Professionnel de Psychiatrie (CNPP), aux Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), au Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP) et au Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), dans laquelle l’ANSM rappelle :

– que (page 2, § 2) : « compte tenu du risque de sevrage lié à l’arrêt du baclofène (…) toute réduction de posologie doit absolument être progressive et faire l’objet d’un suivi médical rapproché jusqu’à stabilisation de la dose »,

– que (page 2, §2) : « des recommandations ont été adressées à l’attention des pharmaciens concernant la conduite à tenir vis-à-vis des patients actuellement traités à des doses supérieures à 80 mg (…) continuer à délivrer le baclofène conformément à la prescription du médecin« ,

– que le médecin est libre de déroger à l’AMM et à RTU (page 2, §3) : « La prescription et la délivrance de baclofène « hors AMM » et « hors RTU » restent possibles, sous la responsabilité des professionnels de santé concernés qui ont alors notamment pour obligation d’informer les patients des bénéfices et des risques attendus dans cette situation. »

Vous pouvez d’ailleurs, si cela peut le rassurer, lui proposer de signer une décharge. Un modèle téléchargeable ici a été créé par les associations AUBES et BACLOFENE.ORG :
Décharge médecins (AUBES BACLOFENE.FR)
Décharge médecins pharmaciens (BACLOFENE.ORG)

DEUXIEMEMENT, proposez-lui de relire la consigne donnée par l’Ordre des pharmaciens le 27 juillet 2017 :

CONSIGNE OFFICIELLE DONNEE PAR L’ORDRE DES PHARMACIENS LE 27 JUILLET 2017 :

« Baclofène : pas d’interruption ou de réduction brutale de traitement

Toutefois, le pharmacien étant co-responsable de la prescription et pas forcément aussi courageux que son Ordre, il a son mot à dire et peut néanmoins refuser de délivrer une ordonnance de plus de 80 mg. Dans ce cas, il doit prendre contact avec le médecin prescripteur.

De peur de ne pas être remboursé par les Caisses primaires d’Assurance Maladie, il peut demander 2 ordonnances : une de 80 mg et une autre –non remboursée -du complément.

27/07/2017

 

En accord avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), les laboratoires Novartis Pharma et Sanofi-Aventis France, ont envoyé le 21 juillet dernier un courrier à tous les professionnels de santé à propos de la réduction de la dose maximale de baclofène à 80 mg par jour dans le cadre de la Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU).

La posologie maximale du baclofène, autorisée chez les patients alcoolo-dépendants dans le protocole de la RTU, est abaissée à 80 mg/j compte-tenu du risque accru d’hospitalisation et de décès au-delà de cette dose par rapport aux autres traitements médicamenteux autorisés.

Cependant, NOUS ATTIRONS VOTRE ATTENTION SUR LE FAIT qu’en raison du risque de syndrome de sevrage au baclofène, le traitement ne doit pas être interrompu ou réduit brutalement.

Par conséquent, pour les patients en cours de traitement recevant actuellement des doses supérieures à 80 mg/j de baclofène, il doit leur être indiqué :

– de consulter au plus vite leur médecin, afin d’initier une réduction progressive de la posologie,
– et de ne pas réduire ou arrêter d’eux-mêmes leur traitement.

Dans l’attente d’une nouvelle consultation médicale, le traitement DOIT être dispensé CONFORMEMENT A LA PRESCRIPTION PRESENTEE PAR LE PATIENT. »

On insiste bien là-dessus : si d’habitude l’Ordre des Pharmaciens invite plutôt ses pharmaciens à se couvrir en refusant  la dispensation d’ordonnances qui leur paraissent problématique, cette fois l’Ordre des Pharmaciens les couvre officieusement par cette lettre officielle en leur donnant la consigne de respecter l’ordonnance du médecin. C’est subtile mais assez courageux. Après cela, si votre médecin estime courageusement qu’il ne doit pas baisser votre ordonnance, la pharmacie devra honorer la nouvelle ordonnance même si elle n’a pas bougé.

TROISIEMEMENT, proposez-lui de relire les articles du Code de la Santé publique repris par le Code de déontologie des Pharmaciens suivants :

> ARTICLE R.4235-7 du Code de la Santé publique permet de leur opposer le délit de non assistance à personne en danger qui condamne l’abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril : « Tout pharmacien doit, quelle que soit sa fonction et dans la limite de ses connaissances et de ses moyens, porter secours à toute personne en danger immédiat, hors le cas de force majeure », ce qui est le cas d’un patient qui se verrait privé partiellement ou totalement de son traitement de baclofène en raison du risque de syndrome de sevrage comme le leur rappelle l’Ordre des Pharmaciens lui-même.

> ARTICLE R. 4235-3 du Code de la Santé publique
Le pharmacien doit veiller à préserver la liberté
de son jugement professionnel dans l’exercice de ses
fonctions. Il ne peut aliéner son indépendance sous
quelque forme que ce soit.

> ARTICLE R. 4235-11 du Code de la Santé publique
Les pharmaciens ont le devoir d’actualiser leurs
connaissances.
(Aussi apportez au pharmacien l’ensemble des documents que nous vous fournissons ici)

> ARTICLE R. 4235-61 du Code de la Santé publique
Lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît
l’exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un
médicament. Si ce médicament est prescrit sur une
ordonnance, le pharmacien doit informer immédiatement
le prescripteur de son refus et le mentionner
sur l’ordonnance.
(Comprendre ici que si votre pharmacien refuse d’honorer votre ordonnance, il doit le noter sur l’ordonnance et signer, afin d’en répondre)

Les pharmaciens se fondent le plus souvent sur le Code de déontologie des pharmaciens qui les autorise à refuser la dispensation de médicaments s’ils estiment qu’ils mettent en danger la personne qui les demande. Néanmoins, l’ARTICLE R.4235-7 du Code de la Santé publique permet de leur opposer le délit de non assistance à personne en danger qui condamne l’abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril : « Tout pharmacien doit, quelle que soit sa fonction et dans la limite de ses connaissances et de ses moyens, porter secours à toute personne en danger immédiat, hors le cas de force majeure », ce qui est le cas d’un patient qui se verrait privé partiellement ou totalement de son traitement de baclofène en raison du risque de syndrome de sevrage comme le leur rappelle l’Ordre des Pharmaciens lui-même.

Notre conseil en cas d’impasse et de persistance du refus :

S’il persiste, le mieux à faire est de reprendre attache avec votre médecin qui vous aidera à trouver une autre pharmacie plus conciliante. Il ne sera pas désagréable de faire désormais tous vos achats dans cette nouvelle pharmacie.

Vous pouvez également contacter le conseil régional des pharmaciens par téléphone pour relayer votre cas et demander qu’on vous indique une pharmacie plus aidante.

Vous pouvez également nous contacter sur contact@baclohelp.org, nous tenterons de vous indiquer la pharmacie la plus proche de chez vous qui ne remettra pas en cause l’ordonnance de votre médecin. Il est fort probable que le pharmacien vous demandera de régler les boîtes qui vont au-delà de 80 mg par jour.

Sachez enfin qu’il est envisageable de déposer plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui, non assistance à personne en danger et atteinte à l’intégrité physique de la personne et au Conseil de l’Ordre des Pharmaciens (voir la rubrique DEPOSER PLAINTE AU CONSEIL DE L’ORDRE). Cette démarche este, chronophage et énergivore. Mais si vous souhaitez allez jusque là, nous pourrons vous conseiller.

Dans tous les cas envoyez-nous vos témoignages :
contact@baclohelp.org